5a.2.5 Limitation des limitations en matière de droit d’auteur (exceptions aux exceptions)

La loi sur le droit d’auteur a pour but un équilibre d’intérêts entre l’intérêt qu’ont l’auteur ou le titulaire des droits à la protection de leurs droits exclusifs sur leurs œuvres et les intérêts de la collectivité à des possibilités optimales d’utiliser ces œuvres. C’est pourquoi la loi prévoit des exceptions qui restreignent les droits exclusifs de l’auteur. Les auteurs doivent donc accepter certaines atteintes à leur droit exclusif – toutefois les exceptions ne doivent pas limiter le droit d’exclusivité de l’auteur ou du titulaire de droits au point de porter atteinte à l’exploitation dite normale qu’ils peuvent faire eux-mêmes de leur œuvre et donc d’entraver outre mesure les auteurs dans leur droit de valoriser encore leur œuvre.

  • Exemple d’une atteinte à l’exploitation normale: le droit de la maison d’édition à l’exploitation normale d’un manuel scolaire est lésé lorsque le maître acquiert un exemplaire du livre en l’achetant, puis le reproduit en totalité pour chacun de ses élèves pour qu’ils n’aient pas à se l’acheter.

BON À SAVOIR

Exceptions aux exceptions ou ce qu’on appelle le test des trois étapes

Le droit international ((art. 9, al. 2 Convention de Berne révisée, art. 13 ADPIC, art. 10 WCT, art. 16, al. 2 WPPT) pour la protection des auteurs et des titulaires de droits prescrit quand et dans quelle mesure leurs droits exclusifs peuvent être restreints. Le «test des trois étapes» s’adresse au législateur et prévoit:

  • que les limitations du droit d’auteur ne doivent porter que sur des cas spéciaux (1re étape),
  • qu’elles ne doivent pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre par les auteurs ou les titulaires de droits (2e étape)
  • et qu’elles ne doivent pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des auteurs et des titulaires de droits (3e étape).

La restriction à certains cas spéciaux (1re étape) interdit des limitations générales et de très vaste portée, par exemple la reproduction pour n’importe quel usage. La restriction à des cas particuliers d’usage privé tels ceux prévus à l’ art. 19, al. 1 LDA ou la reproduction d’une œuvre pour des personnes atteintes de déficiences sensorielles (art. 24c LDA) sont toutefois licites.

La 2e étape vise à garantir que le droit exclusif des auteurs et titulaires de droits et la possibilité pour eux d’exploiter leurs œuvres ne soient pas restreints de manière disproportionnée. La forme de commercialisation ordinaire (usuelle dans le commerce) doit rester réservée aux auteurs et aux titulaires de droits. Ils doivent rester protégés dans leurs intérêts économiques. Par exemple, le droit de vendre sur le marché des revues entières doit rester réservé à la maison d’édition (art. 19, al. 3, let. a LDA). ). Il est tout de même permis à l’utilisateur jouissant d’un usage privé de reproduire intégralement certains articles tirés d’une revue, car cela ne porte pas atteinte à la commercialisation des revues (cf. également à ce sujet ATF 140 III 633, avec d’autres renvois).

Pour finir, la 3e étape est le moyen de procéder encore à un équilibrage d’intérêts entre ceux de l’auteur ou du titulaire des droits et ceux de tiers. De ce point de vue, la loi prévoit, en cas de besoin, une obligation de rémunérer l’auteur ou le titulaire de droits, pour que l’atteinte à ses droits exclusifs n’apparaisse pas illégitime (ATF 133 III 486).