Des différences d’interprétation de la Convention de Berne

BON À SAVOIR

L’article 5 de la Convention de Berne prévoit que chaque Etat membre s’engage à concéder sur son territoire aux ressortissants des autres Etats parties les mêmes droits qu’à ses propres ressortissants (Art. 5, al. 1 CBrév), et que cette protection se règle exclusivement au regard de la loi du territoire pour lequel la protection est réclamée, peu importe l’existence d’une protection dans l’État d’origine de l’œuvre (Art. 5, al. 2 CBrév). ). Cette clause fait l’objet de dissension au sein de la doctrine:

  • Pour certains, elle peut s’interpréter comme une affirmation du principe de territorialité (ou le principe de la lex loci protectionis ) du droit d’auteur, et conduire à l’application du droit d’auteur de l’État sur le territoire duquel l’œuvre est utilisée (et pour lequel la protection est revendiquée).
  • Mais pour une autre part de la doctrine, elle est une clause de conditions des étrangers, et doit conduire, notamment, à:
    • l’application du principe de réciprocité : les oeuvres créées dans un Etat A par une personne de nationalité B seront protégées par le droit d’auteur si l’Etat B protège sur son territoire les oeuvres des ressortissants de A.
    • application du droit international privé national : en cas de conflit de loi sur le territoire de A, A appliquera son droit international privé, qui conduira à l’application du droit de l’Etat d’origine de l’oeuvre, ou au contraire au droit de A.

Le législateur et le juge de chaque Etat ont pu se ranger davantage du côté de l’une ou de l’autre position.

Un exemple de l’influence des conventions internationales sur la question du droit applicable nous est livré par deux arrêts du 10 avril 2013 (pourvoi n°11-12.508 et 11-12.509) de la Cour de Cassation française: un reporter-caméraman fut engagé en 1978 par une société américaine (US), puis affecté auprès de sa succursale française à partir de 1993. A la suite de son licenciement en 2004, il fit valoir des prétentions contre son employeur en évoquant la violation de ses droits d’auteur. Les tribunaux des instances inférieures interprétèrent le droit international privé comme conduisant à l’applicabilité de la loi du pays d’origine de l’œuvre, c’est-à-dire des Etats-Unis. Or, selon le droit des Etats-Unis, les droits d’auteur relatifs à une création salariée appartiennent à l’employeur, de telle sorte que le caméraman ne pouvait plus faire valoir aucune prétention. La Cour de Cassation, au contraire, jugea que l’art. 5, al. 2 de la Convention de Berne se rapporte aussi à la création de l’œuvre, si bien que le droit national (c’est-à-dire. le droit français) devait s’appliquer au litige. Puisque le droit d’auteur français ne prévoit pas d’attribution automatique des droits à l’employeur pour une création salariée, la Cour de Cassation a, en définitive, favorisé la position du caméraman.